Cette petite histoire de l’escalade en Corse est tirée du topo Grandes voies de Corse – édition 2021
Pendant des siècles, voire des millénaires, les bergers à la recherche de chèvres égarées et les chasseurs de mouflons gravissent les sommets accessibles de l’île.
Largement occupés dans les Alpes, les alpinistes du XIXième siècle ignorent la Corse et lorsque les premiers explorateurs s’y intéressent, ils se tournent naturellement vers les massifs du Nord de l’île, plus hauts et plus alpins ; des critères alors indispensables pour donner ses lettres de noblesse à la montagne.
Ces premiers explorateurs ‘’sportifs’’ sont britanniques. Mais c’est déjà la fin de l’époque de l’alpinisme aristocratique et rapidement allemands, autrichiens, français, italiens entrent dans la danse. La première ascension marquante est celle des frères Finch et du norvégien Bryn qui, en 1909, gravissent la face Est de la Paglia Orba en condition hivernale.
A la veille de la seconde guerre mondiale, les cordées Ghiglione – Boccalatte et Schmidbauer – Bucher osent s’attaquer à des itinéraires techniques sur des faces reculées.
Il faut ensuite attendre les nombreuses visites de Werner Krah (Grandes Voies de Corse P 52) et ses amis qui, de 1959 à 1965, ouvrent des itinéraires très audacieux et de haut niveau en face Nord du Cintu, à la Paglia Orba ou sur quelques sommets de Bavella introduisant au passage le VIe degré.
Le centre de gravité de l’escalade se déplace alors vers Bavella* avec les nombreuses réalisations de Gilbert Carpentier et ses compagnons puis de la première bande des Marseillais, qui ouvrent un nombre considérable d’itinéraires dans cet immense massif presque vierge.
A la même période, la très dynamique bande des montpelliérains (P.Couval, Y.Gilles, D.Bourret) jette son dévolu sur le Capu d’Ortu et y ouvre une demi-douzaine de voies de grande envergure. Ces voies, auréolées d’une réputation sulfureuse, ont très peu été reprises faute de renseignements fiables.
C’est aussi à cette époque, au milieu des années 70, que les premiers corses entrent en scène. Jean-Paul Quilici d’abord, extrêmement actif dans son massif de Bavella et longtemps figure médiatique de la montagne insulaire suivi quelques années plus tard de Pierrot Griscelli et surtout de Pierre Pietri (Grandes Voies de Corse P 68) qui investissent les massifs du Nord.
Les insulaires ont fait leur entrée en scène et ne la quittent plus. Aux précédents se joint Jean-Toussaint Casanova (Grandes Voies de Corse P 204), grimpeur éclectique qui appose sa griffe sur la plupart des massifs corses.
Parallèlement, les secouristes du PGHM, chantres de l’escalade pour tous, équipent de très nombreuses voies abordables dans la région de Corti (Grandes Voies de Corse P 218) et la nouvelle équipe des Marseillais poursuit à Bavella le travail de ses aînés.
Nous sommes au début du nouveau millénaire et, après la déferlante des voies entièrement équipées des années 1990 -2005, la tendance est aux ouvertures mixtes, exploitant au mieux un granite souvent propice aux protections naturelles et bien aidées par l’évolution du matériel.
Aujourd’hui et depuis quelques années déjà, Jeff Andreucci est l’ouvreur le plus actif de l’île. Dingue de TA et de coincements en tous genres, il chasse les fissures sur les parois insulaires. Mais l’essor de l’escalade corse ne repose plus sur la motivation extraordinaire de quelques personnes. De nombreux grimpeurs sont acteurs de leur passion et ouvrent de-ci de-là quelques nouveaux itinéraires dans tous les niveaux et tous les styles.
Enfin, on ne peut oublier deux personnages qui ont tenu une place particulière tout au long de ce siècle d’alpinisme. Leur autorité ne se cantonne pas à l’escalade mais englobe toute l’activité montagnarde.
Ils en sont des acteurs mais aussi des chroniqueurs. Le premier, le docteur Félix Von Cube, entreprend une exploration poussée et systématique de la montagne insulaire. De 1899 jusqu’à sa mort en 1964, il vient presque chaque année parcourir et cartographier les massifs. Michel Fabrikant reprend le flambeau et publie des guides exhaustifs qui recensent entre autres, sommet par sommet, toutes les voies d’accès, en randonnée ou encordé. Ces premiers topos démocratisent l’activité qui depuis n’est plus réservée aux seuls explorateurs.
*Pour une histoire plus détaillée de l’escalade à Bavella, se référer au topo : Bavella Corsica – Escalades choisies P6.